15Ce travail se propose d’illustrer la présence du Diable dans le roman Les Faux Monnayeurs, son effet sur les personnages et sur la composition du roman.
Tout d’abord il faut exposer l’étymologie du mot et ses définitions. Ce mot vient du latin chrétien diabolus « diable », pris au grec diabolos de même sens, adjectif signifiant en grec classique « qui désunit, inspire la haine ».
En ce qui concerne les définitions du mot, on a retrouve quelques unes dans Le Petit Robert : personnification du mal ; un, des diables, Démon, personnage représentant le mal, dans la tradition populaire chrétienne ; le Diable : le prince des démons ou des diables – démon, diabolique ; personne, chose comparée à un diable.
Gide a été depuis toujours fascine par la présence du Diable dans son œuvre et il affirme : « Il n’y a pas d’œuvre d’art sans collaboration du démon ». À l’époque, il était un écrivain diabolique par rapport à Claudel et d’autres. Dans le cas de Gide, le démoniaque a des fonctions et des visages multiples -- littéraires, moraux, psychologiques, éventuellement théologiques -- et son attitude est rarement sans ambiguïté.
Pour Gide le démon est différent du Diable. Le démon est la passion qui nous pousse à agir, c’est une forme d’inconscience qui nous pousse à agir de façon moins rationnée. Le Diable est un principe actif du roman qui permet aux personnages de s’interroger et de prendre la conscience sur ce qu’ils font, donc il est efficace dans l’œuvre.
 Un historique du démon chez Gide doit constater tout d'abord la grande distance entre le Satan romantique et le démon gidien. Le diable gidien est principalement un démon psychologique qu'il identifie à une voix dans le dialogue intérieur. Si Gide porte plus loin ce développement psychologique, en abandonnant les éléments décoratifs du satanisme romantique et en amplifiant la dialectique entre le bien et le mal dans l'esprit humain.
Les autres points d'appui du diable gidien sont la tradition biblique et les lettres étrangères : Milton, Goethe, Dostoïevski, et Blake. Le « proverbe de l'enfer » que Gide, à la suite de Blake, a proposé dans sa cinquième conférence sur Dostoïevski : « Il n'y a pas d'oeuvre d'art sans la collaboration du démon », peut être interprété de cette façon : il s'agit du démon créateur qui pousse l'homme à agir, à faire. Mais le proverbe gidien peut signifier aussi le sens chrétien du diable, car, à part la vulgaire littérature d'édification, Gide niait la possibilité d'une littérature chrétienne.
Mais la crise du roman a donné lieu à un développement surprenant de l'imaginaire démoniaque chez Gide. S'il montrait dans ses écrits, et souvent dans sa vie affective, le tempérament d'un lyrique, sur le plan philosophique il était raisonneur et sceptique. Mais, dans son angoisse religieuse et sexuelle, des doutes au sujet de sa façon de raisonner se sont cristallisés autour de la figure du démon, qui induit en erreur l'homme en se servant de sa propre intelligence.
Gide insiste sur la réalité du démon, de quelque nom qu'on l'appelle. Il dit que, même si l'idée d'un Satan en tant qu'être personnel est devenue de nos jours risible, on ne peut nier ni la réalité du mal ni l'horreur que nous en éprouvons, écartelés que nous sommes entre le ciel et l'enfer.
Dans Les Faux Monnayeurs, toute l'histoire, ou presque, est celle du mal et les personnages incarnent des démons de différent type.
Strouvilhou est le vrai personnage diabolique du roman, le chef diabolique et la source du mal. Il est ténébreux, agençant l'affaire des fausses pièces et poussant au meurtre par l'intermédiaire de son jeune neveu, un « pur », qui ne se repent pas du tout après la mort de Boris. Strouvilhou raisonne bien, mais de manière retorse et finit par souhaiter la disparition de l'humanité, « cette ordure vivante ».
Un autre personnage démoniaque est Vincent, puisque, ne croyant pas d'abord au diable, il en devient facilement la proie, en raison de son esprit positiviste : « La culture positive de Vincent le retenait de croire au surnaturel ; ce qui donnait au démon de grands avantages. Le démon n'attaquait pas Vincent de front ; il s'en prenait à lui d'une manière retorse et furtive. Une de ses habiletés consiste à nous bailler pour triomphantes nos défaites ».
Ensuite, sous l'influence de Lilian, Vincent finira par refuser la vertu pour une raison qui lui paraît vertueuse : « Car il reste un être moral, et le diable n'aura raison de lui, qu'en lui fournissant des raisons de s'approuver ». Le démon se servira de Vincent pour livrer Olivier « à ce suppôt damné qu'est Passavant ». Gide ajoute que Vincent n'est pourtant pas mauvais ; mais qu'il est victime de l'exotisme, du dépaysement qu'opère le diable (par le truchement de Lilian). C'est aussi son succès même (et on songe à celui de Gide dans les années vingt) qui l'effraie, qui lui semble diabolique. Vincent devient celui que l'auteur avait prévu dès 1914 : celui qui croit au démon. Et puisque ce démon occupe le raisonnement, à la fin Vincent « se croit possédé par le diable ou bien il se croit le diable lui même ».
Si Armand est entre le salut et la damnation, La Pérouse est sur la ligne entre les deux et il a l’impression que Dieu l’a roulé : « Il m’a fait prendre pour de la vertu de mon orgueil. Dieu s’est moqué de moi. Il s’amuse. Je crois qu’il joue avec nous comme un chat avec une souris. Il nous envoie des tentations auxquelles il sait que pourtant nous ne pouvons pas résister ; et, quand nous résistons, il se venge de nous encore plus ».
Mme La Pérouse a aussi un côté démoniaque ainsi que son époux : « Sous sa perruque à bandeaux noirs qui durcit les traits de son visage blafard, avec ses longues mitaines noires d’où sortent ses petits doigts comme des griffes, madame de La Pérouse prenait un aspect de harpie ».
Lady Griffith et Passavant sont bien les deux « démons » de Vincent qui  lui apprennent la facilité de l'argent (l'argent a ici toute sa force corruptrice), l'enferment dans ses plus mauvais instincts : la facilité, le mensonge, la « brillance ». Passavant devient aussi le « mauvais ange » d'Olivier : il le tente par ce qu'il a de mauvais instinct, le désir de briller.
Édouard lui-même a des attributs de démoniaques, c'est avec Édouard que le plus grand nombre de doutes surgit : qui est-il véritablement ? Un bon « ange », protégeant la « pécheresse » et « l'orphelin », généreux car il offre de l'argent et de la protection à Laura, à Bernard et à Rachel. Il est aussi un démon qui essaie de manipuler les autres : il causera la perte de Boris, il joue un jeu trouble avec Georges…et est « curieux » de connaître Caloub.
Aucun acte ne semble « pur » chez Édouard : il propose le mariage à Laura ; ensuite l'argent qu'il offre à Rachel permet que la pension corruptrice des Vedel-Azaïs puisse continuer son rôle d'étouffoir ; sa générosité envers Bernard n'arrive pas à être totalement gratuite.  C'est donc en lui qu'on voit le plus nettement la lutte du bien et du mal. Mais il proposera une formule tout aussi ambiguë de choix de vie : «  suivre sa pente … en montant » formule très individualiste.
P. Chartier dans son livre Le diable assurément",  donne la vision la plus exacte du Diable de Gide : « Le Diable témoigne ainsi de l'insondable qui gît au sein de l'humain, il est le principe actif des actes libres, des événements purs, de la gratuité ».

Mandache Florina
Şcoala Gimnazială Merişani
(Postat ianuarie 2017)

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